29. Jour d’anniversaire

Publié le 27 Mai 2013

Texture - cahier 1

Il y avait des nuages comme de gros coussins en plumes qui me donnaient envie de partir en rêve. À quelle heure devais-je commencer à vivre ? Il était encore tôt. Le matin était frais et doux, le ciel comme je l’aime en hiver, d’un bleu violacé tendre. Nous avons roulé à toute allure vers la ville qui naissait lentement. Je vivais parfois l’éveil d’anonymes depuis les barres rectangulaires où des carrés de lumière s’allumaient par intervalles. Je me demandais comment avait été leur nuit et ce qu’ils feraient de leur jour. Je me demandais aussi qui ils étaient.

C’est son anniversaire et je ne sais pas quoi lui offrir. Peut-être mon nom. C’est injuste pour lui, si je venais à disparaître je m’effacerais définitivement de son monde laissant pour vestige une cicatrice invisible. Qui pourrait le comprendre quand il pleurera une muse fantasmatique habitant quelque part derrière la mer ?

Ils prendront ça pour un délire. Le diagnostic fera mal à mon ange. Il leur dira tout. Que j’étais vierge et qu’il a été le premier. Ils demanderont à voir la bague, il répondra que nous n’en avions pas. Que seuls les appels du manque qui frappent sa poitrine peuvent témoigner de notre amour.

Personne ne le croira. Mais ils feront semblant, ils auront des yeux compatissants et des tapes fraternelles et s’éloigneront promettant de téléphoner pour avoir des nouvelles.  

C’est son anniversaire et je ne sais pas quoi lui offrir. Il m’a demandé de lui raconter, je n’ai pas su dire non parce que c’était lui. Sur le coup je répondais aux questions, je m’évertuais à retransmettre les images mémorielles en les détachant lentement de la matière affective. Après, je n’ai pas réussi à m’en défaire, tous ces souvenirs remontés à la surface, ça faisait longtemps que je n’avais pas pleuré mon père. Je lui ai dit que je n’aimais pas parler de mon passé, que je ne voulais pas que les gens s’étonnent, encore moins qu’ils s’extasient, que je n’avais pas envie d’être une « curiosité ». Un personnage anonyme finalement, comme dans une coupure de presse un peu sanglante, un peu triste. Un fait divers.

 

30. Un problème au formatage


Mercredi 23 février 2011

C’est mon anniversaire, le trente-neuvième, le premier avec elle. Nous nous sommes levés tôt, elle est assise à côté de moi, l’œil un peu vague, sûrement encore dans les brumes d’un rêve avorté. Hier, elle m’a demandé que l’on parte à l’heure même de ma naissance, à trois heures quarante-cinq, que l’on prenne la voiture, « pour rouler », exigeant juste d’être de retour en ville à sept heures vingt-sept, « précise ».

Je ne m’étonne pas, j’obtempère, la réveille et l’embarque, conduis en direction de l’Atlas, fais demi-tour sur un bord de route anonyme, elle est silencieuse, je ne m’en offusque pas, je suis habitué, elle est spéciale, c’est mon amoureuse, un problème au formatage sûrement, je l’aime.

C’est mon anniversaire, le soleil tend ses premiers rayons et moi j’accélère, les faubourgs de la ville défilent à toute allure et moi je ne sais toujours pas. La portière claque à l’heure, retour à la case départ, « viens te coucher mon amour, tu dois être bien fatigué » sont ses seuls mots, retour au lit, sept heures trente.

Je m’endors, ce faisant, je me dis que ce devait être une sorte de test, une surprise à sa manière, ou peut-être une envie de silence et de nuit d’hiver, un cadeau en quelque sorte. Finalement peu importe, c’était un moment avec elle.

 

Nada Leil & Thomas Roche-Ponthus.

Rédigé par L.

Publié dans #Fragments

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